ECRITURE
Ce
choix d'être ainsi plongé dans la vie n'est-il pas
aussi votre mode de résistance à un "appel"
de la littérature que vous redoutez ? La littérature
comme un risque d'enfermement ?
Oui,
c'est évident. L'enfermement dans l'écriture est
un risque énorme. Lorsque je suis en train d'écrire,
j'ai un rapport avec moi-même d'une telle intensité
qu'il me faut rester vigilant parce que, quelles que soient les
difficultés à écrire, et il y en a, le plaisir
existe aussi et l'appel est vertigineux. Quelque chose au fond
de moi voudrait prendre toute la place, il s'agit alors d'une
véritable lutte de pouvoir. Si on capitule, on bascule
et on devient fou.
Même
assis à votre bureau, que vous préférez près
d'une fenêtre, vous gardez la porte ouverte. Vous avez dit
que vous écriviez pour être seul mais aussi pour
vérifier que le monde est toujours là
C'est
important pour vous de toujours regarder le monde, même
de loin ?
Pour
résister comme je vous le disais, je fais toujours en sorte
que la vie me rappelle. Je me préserve en étant
toujours disponible et en acceptant ce qui pour certains ressemble
à une distraction. Ce conflit entre le matériel
de la vie et la pensée d'un livre me fait avancer. En regardant
par la porte et la fenêtre, je n'oublie jamais que les autres
existent, et comme William Saroyan, je pense qu'un écrivain
ne peut écrire que s'il est amoureux du monde
Revenons
à l'écriture et à ce qui vous tient enfermé
(porte et fenêtres ouvertes) dans votre bureau. Est-ce parfois
difficile d'écrire ?
C'est
toujours difficile. Et c'est tout l'attrait de la chose. Si c'était
facile, ça ne présenterait pas d'intérêt.
Lorsque je m'assois derrière mon bureau, je suis tendu
et concentré.