Dès le début du livre, on entend dire par le directeur de l'école - admirateur d'Edith - qui a offert du travail à Henri-John "Votre femme est une créature merveilleuse". Henri-John explique, quelques lignes plus bas, en parlant de Heissenbütell que "s'il estimait que la gratitude ou le simple sourire d'Edith Benjamin valait qu'on supporte son emmerdeur de mari, eh bien, ma foi, il était seul juge…". L'univers d'Henri-John tourne autour de celui de sa femme, pièce maîtresse, écrivain reconnu.
Après avoir trompé Edith, plus parce que la situation s'y prête que par envie réelle, Henri-John se pose quelques questions. "Depuis que je la connaissais, Edith cultivait la franchise avec une sorte de passion aveugle. Et cela ne nous avait pas toujours réussi." Il fait toutefois le choix de taire cet incident qu'il oublie presque immédiatement. Le roman écrit par Edith tout au long de ce livre est important dans la suite des événements. Henri-John est depuis le début un lecteur attentif et sans doute son admirateur le plus fervent, tout en ayant un œil objectif sur la qualité des livres qu'elle écrit : "C'était toujours un grand plaisir pour moi de me plonger dans la littérature d'Edith. Elle était un bon écrivain, courageux et sensible. Elle avait également du souffle. Son écriture était souple, évidente, fluide. Ses deux premiers romans étaient restés de nombreux mois en tête des meilleures ventes et elle avait été traduite dans le monde entier. Je crois qu'elle le méritait. Et pour une fois, les critiques n'avaient pas boudé son succès. Aussi bien, pourquoi l'auraient-ils fait…? Ses livres étaient vraiment bons" ou "Elle avait eu raison de mes quatre-vingt kilos et de la place que je réservais aux femmes en matière de littérature. Je me souvenais avec quel embarras je m'étais plongé dans son premier roman, les sueurs que m'avait coûtées la seule idée qu'il me faudrait distinguer son talent des sentiments que j'avais pour elle. Je me souvenais comme j'avais refermé son livre sur ma poitrine et comme j'avais pelé du nez, les jours suivants, pour être resté des heures en plein soleil. Je me revoyais à demi défiguré, bon à éplucher comme un poivron sorti du four, ratatiné, rouge et ridicule et me consumant silencieusement pour elle." Lorsqu'elle lui fait lire le début du roman qu'elle est en train d'écrire ("D'après elle, j'étais son lecteur préféré"), Henri-John a une réaction brutale "Je n'ai pas été tendre avec elle, peut-être même ai-je été injuste et méchant, mais je me sentais blessé et, par moments, la colère m'étouffait, elle m'enlevait les feuilles des mains et je les lui reprenais, lui relisais certains passages et ricanais. Son visage était blême, ses lèvres étaient pincées et, au bout d'un moment, elle a cessé de me regarder et chacun de mes coups s'est enfoncé. Je lui en voulais presque de ne plus se défendre". Edith
est blessée "Elle a tendu la main pour que je lui rende son ouvrage
et m'a planté là sans ajouter un mot", "Elle s'est couchée
la première. Et lorsque je me suis approché du lit, elle
m'a froidement dévisagé, tirant le drap sur sa poitrine
"Au fond, qu'est-ce que tu y connais…?! A-t-elle grincé." ; "Edith
m'en voulait à mort, ce qui signifiait plus précisément
on ne se parle pas et on ne baise pas.". Henri-John connaît ses
réactions "Ce n'était pas la première fois que j'affrontais
ce genre de situation. Je m'efforçais, en général,
d'adopter un comportement stoïque et, après deux ou trois
jours, les choses rentraient dans l'ordre." ; "je comprenais qu'elle ait
besoin de silence et de calme - et qui sait, d'abstinence ? - pour y voir
clair et admettre que j'avais raison." Henri-John est même assez
optimiste sur l'issue de la situation : "Tout ira tellement mieux ensuite,
me disais-je, rien ne vaut un écrivain qui repart du bon pied." Ce qui est pour Henri-John une inconsciente évidence finit par se produire. "Puis, un matin, j'ai reçu sa demande en divorce. C'était une éventualité que j'avais enterrée au fond de moi, que j'avais refusé d'examiner avec un ricanement de tout mon être, mais lorsque j'ai tenu ces papiers entre mes mains, j'ai compris qu'à aucun moment il n'y avait eu d'autre issue et que je le savais, m'étais-je nourri d'illusions jusqu'à la gauche et gavé de tous les espoirs. Bien entendu que je le savais ! Est-ce qu'Edith était du genre à tendre l'autre joue…?! Est-ce que si vous lui tordiez le doigt elle se calmait avant de vous avoir arraché le bras tout entier…?! "Je ne pourrais plus jamais avoir confiance en toi", m'expliquait-elle sur le petit mot qu'elle avait joint au reste. Je n'ai donc pas trente-six solutions. Et je t'en prie, ne rends pas les choses plus difficiles : ne tente rien. Inutile de nous blesser davantage, comme on dit."" Henri-John décide de partir. "Tout ce que j'aurai pu dire à Edith, les mots que j'aurais pu prononcer, elles les connaissait déjà et ils ne paraissaient pas avoir été suffisants pour la stopper." Alors qu'il est fortement influencé par le père d'Edith pour refuser le divorce, il est presque résigné, face à une Edith dont il connaît la force "Si tu penses que c'est simplement de temps qu'elle a besoin, elle en aura. On ne divorce pas en un jour… Mais Georges, à ta place je ne m'y fierais pas trop… Je ne crois pas qu'elle changera d'avis." Edith, malgré la distance, reste très présente "Mais j'avais peur qu'il s'endorme, aussi lui ai-je parlé d'Edith, et du mieux que je le pouvais. Et comme je relisais chaque soir un peu de son journal, mes souvenirs brillaient et je ne cherchais pas mes mots, elle coulait hors de moi et, à certains moments, j'avais l'impression que Finn la voyait." |