Bleu comme l'enfer débute sur un grand froissement de tôle et continue sur un tempo d'échappement libre. Dès ce premier texte, Djian expose ce qui nous semble être l'un des thèmes essentiels de son œuvre : chercher la femme ! Le folklore des années 70 est ici rendu intact. Le moment freaks, le shit, l'op ou les acides, rien n'y manque. Zone Erogène, le deuxième livre de Djian n'a qu'un objet : entonner un vaste chant à la gloire de la littérature. Les malfrats n'ont plus droit de cité dans ses livres. Seuls les écrivains y sont désormais admis. Premier élément perturbateur, une fille nommée Cécilia vient s'installer chez le narrateur, un écrivain fauché qui vit séparé d'une autre femme, Nina. De son propre aveu, le personnage-auteur n'aspire qu'à une seule chose : s'asseoir à une table et écrire. Et notre auteur-narrateur n'a, hélas, pas encore découvert un moyen efficace de résister au corps des femmes. En conclusion, son roman patiente. Quand notre écrivain pourrait enfin se remettre au travail, une femme mure, lui propose une fête charnelle à laquelle il est tout à fait vain d'espérer, connaissant notre homme, de le voir renoncer. Entre temps, Nina, que ronge une singulière nature masochiste, se trouve plongée dans une périlleuse situation. Le couple se reforme, lassé de tant de mésaventures. Il faut préciser que l'auteur s'est à nouveau laissé étourdir par l'odeur de Nina. Grave soudain, il annonce un tragique au-delà de l'écriture : achever un livre ne constitue pas une libération ! Ne pas écrire, c'est encore plus effrayant qu'écrire. Puis un cyclone, à la morte saison, s'abat sur un paysage de cabanons de vacances. Quand les sables retombent et que s'apaisent les nuées, une créature du cyclone s'est déposée sur la véranda de la maison qu'il occupe. Cette créature se nomme Betty. Et plus rien, non vraiment plus rien ne sera jamais comme avant. C'est sur cette apparition que débute 37.2 le matin, troisième roman de Philippe Djian, roman qui nous rapporte un cas à peu près unique de possession diabolique puisque littéraire, possession suivie d'une lente, d'une irrémédiable glissade vers la folie et, au-delà, vers la mort. 37.2 reste aussi à nos yeux comme l'univers parfait de l'amour fou. Jamais plus, nous semble-t-il, il ne nous entretiendra du bonheur, le bonheur absolu entre une femme et un homme, comme l'attestent quelques scènes, tremblées et ténues : un anniversaire célébré sur une terre achetée par l'amant pour l'offrir à sa maîtresse, une séance de piano, un lever de soleil sur la neige… Dans l'œuvre de Djian, 37.2 occupe une place à part. C'est une sorte de roman fondamental de l'univers de l'auteur. Plus tard, avec Zone Erogène, Maudit Manège et Echine, le thème de la culpabilité sera sans cesse égrené, associé à une inconsolable nostalgie. |