PHILIPPE DJIAN, LE LIVRE

A l'époque des premiers textes de Philippe Djian, les thèmes sont des figures imposées. Exemple : un flic poursuit sa femme qui s'est enfuie avec un délinquant. Comme on comprend ce délinquant !

L'auteur ne nous laisse rien ignorer de leurs dessous qui semblent, pour la circonstance, dessinés par un Roy Lichtenstein ou un Andy Warhol.

Les décors sont soit des rubans d'autoroute qui brillent comme la robe des grands squales soit des chemins vicinaux perdus dans la montagne. Un crépuscule semblable à ceux que l'on traverse en Andalousie ou bien passé le Rio Grande.

Chez Djian, premier des ingrédients, la géographie reste longtemps imprécise. 

Le climat joue un rôle capital. Le jour, le ciel présente un bel éclat de lapis-lazuli. A la tombée de la nuit, l'air est bleuté.

Le ciel, comble de malchance, est, chez Djian, toujours menaçant.

Les personnages eux-mêmes sont exotiques. Ils ont pour prénoms : Ned, Lili, Carol, Zac, Dan, Hermann, Henri-John, Elsie, Bernie… 

Dès son deuxième roman, Zone Erogène, Djian range les armes au râtelier. Son personnage, son double, vient de rencontrer une femme.

Recruté pour vivre des nuits de violence, de sexe et de mort, le héros djianesque ne va plus consacrer ses forces qu'à deux activités : écrire des livres (…) et s'efforcer de retrouver cette femme qui sans cesse, à l'horizon, disparaît.

Dès lors, ce personnage central (…) va s'enfermer dans des journées d'une fadeur délicieuse en cuisinant des poulets à la noix de coco. 

Des spectres viennent roder autour de lui. Les uns, débonnaires comme des dieux rares (Betty par exemple), le protègent. Les autres, persécuteurs, viennent hanter ses nuits en prenant l'aspect de femmes impitoyables.

Compliquant les données, son narrateur met au jour une suprême contradiction : peut-on se prétendre écrivain et aimer réellement une femme ?

Si nous avions commencé sous le soleil obscur du roman noir, nous finissons dans le roman de mœurs à tendance mélodramatique. Entre temps, un malentendu s'est glissé entre Djian et ses lecteurs, malentendu qui tient au décalage opposant les légitimes métamorphoses de l'œuvre et ce que le public s'était promis d'en attendre.

Les femmes ! Elles sont, en apparence, de purs objets du désir. Leurs corps sont des paysages et le héros de Djian se présente comme une sorte d'insatiable explorateur. 

Le monde dont rêve Djian est un paradis perdu pour écrivain.

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