JE SUIS UN ECRIVAIN CLASSIQUE

Loin des combats d'arrière-garde d'une certaine critique, il continue, sans manière, de bousculer les règles de l'écriture. Son nouveau roman, "Sainte Bob", n'échappe pas à la règle.  

Pour évoquer ses trois derniers romans unis par des liens ténus, Djian en appelle à Melville... "Soyez fidèles aux rêves de votre jeunesse". Suit une longue digression sur les aspirations avortées, les siennes, celles des autres, ce que la littérature lui a pris, avec ce constat simplement lucide :  

"Quelque part, on s'est tous filé un coup de fusil ". Il va, ainsi, parler deux heures durant, de la vie, des existences qu'il épingle dans ses livres étonnants et celles croisées au quotidien. La distance entre les deux est infime. Philippe Djian ironise au passage sur ces distributions de prix où son nom ne figure lamais. " On s'est plus intéressé à l'image que je véhicule qu'à mon travail ". Difficile, pourtant, de nier de quelle manière il a dépoussiéré une littérature française figée dans une pseudo tradition. Il faudrait revenir à la modernité de son écriture. Un terme qui cadre mal pour expliquer une expression en phase avec l'époque, ses audaces, ses vertiges. "Ecrivain rock", l'expression galvaudée résume toutes les limites d'une critique érigée en institution, devant ce qui l'étonne, échappe à ses références étriquées. Lui se dit "classique". "Mon attitude l'est. Etre seul fait partie de mon histoire, ma culture. Kerouac l'était. Fante, Bukowski, Miller aussi". Il continue de vendre à 300.000 exemplaires chacun de ses bouquins.

Djian parle cinéma, littérature, voyages, évoque mai 68, sans manières ni artifices. Au détour d'un phrase, il cite Léonard Cohen, Hemingway, Orson Welles. Ses livres transcendent la banalité des jours, y plaquent une poésie réaliste Depuis le succès fulgurant de " 37°2, le matin", son oeurvre n'a cessé d'évoluer. Ce qu'il résume en quelques mots d'une redoutable lucidité. "Le premier devoir d'un écrivain est d'aller vers sa langue et de faire en sorte qu'elle soit toujours originale et vivante.  

Jean-Paul GERMONVILLE

L'Est Républicain - 12 juillet 1998

SUITE DE L'ARTICLE

SOMMAIRE - SOMMAIRE DOCUMENTS