EXTRAITS SOTOS

 
Ma seule victoire, avec le temps, était que je ne tremblais plus de tout mon être mais simplement de l'intérieur, d'un endroit si profond que pas un de mes cils ne bougeait, pas un signe ne trahissait la crainte sur mon visage. 

J'étais absent, tout simplement, délivré du moindre intérêt pour ce qui se passait autour de moi. Après leur départ, je n'ai pas trouvé que le silence et la solitude étaient d'une compagnie plus agréable. 

Cela dit, je n'avais pas de sérieux problèmes, je parvenais à franchir les caps difficiles sans fournir de gros efforts, même si le couperet ne tombait pas très loin derrière moi. 

Il y avait mille petits riens que l’on aurait pu s’amuser à coller bout à bout et qui sans doute auraient donné quelque chose. 

J’ai rencontré beaucoup de filles qui rêvaient d’être avec un écrivain, mais pas une seule qui savait ce que ça voulait dire. 

J’avais passé toute ma vie à leurs cotés, avais réuni plus d’informations sur leur compte qu’on ne pouvait l’imaginer, mais plus je les regardais fonctionner, plus je sentais qu’elles obéissaient à des lois mystérieuses et la plupart du temps contradictoires. 

Je commençais à prendre conscience des grandes occasions que l’on pouvait manquer dans une vie. 

Il suffit qu’elle s’appuie sur un mur pour que le toit s’effondre. Dès qu’elle se met en tête de bâtir quoi que ce soit, elle le brise entre ses mains.

J’ai compris que le pire allait se produire. Que la foudre tombait toujours au hasard. 

Je me demandais si nous allions nous rapprocher en vieillissant, étant donné que nos rapports étaient meilleurs qu’ils n’avaient été, ou bien s’il était trop tard, si nous avions laissé passer le plus important. 

S’il m’était arrivé de souffrir de ses aventures, je l’avais quelquefois admirée pour cette façon qu’elle avait de se ficher des règles, ce peu de respect qu’elle manifestait à l’égard des conventions. 

Au demeurant, je n’arrivais pas à distinguer si le regard qu’elle plongeait dans la nuque de ce dernier était bon ou mauvais, ni quels étaient ses sentiments pour lui, si elle le détestait à cause de cette situation ou si c’était une main secourable qu’elle lui offrait après, bien sur, l’avoir poussé dans les flammes. 

Il commençait à ne plus considérer la vie comme une lente ascension mais comme un parcours brisé. D’ailleurs, ce n’était pas dans les jambes que ça se passait, mais dans la nuque, à force de relever puis de baisser la tête. 

De temps en temps, selon la lumière, selon l’angle sous lequel il l’examinait, ou selon que son humeur était, comme à cette minute, maussade et poreuse, il en avait le souffle coupé. 

Elle aurait pu lui enfoncer une main dans la poitrine et lui arracher le coeur, qu’il l’aurait esquissé un sourire. 

Se mordre le poing en songeant à une fille était le meilleur moyen de se ridiculiser. 

Tout le long du chemin, il avait réécouté sa voix, les deux ou trois mots qu’elle avait prononcés sans qu’il put y déceler quoi que ce soit dans un sens ou dans l’autre, sans qu’il sut s’il marchait vers l’abattoir ou s’il grimpait vers les cimes. 

Quitte à simplifier les choses, il faut savoir montrer de quel coté l’on est, de temps en temps... 

Il trouvait qu’il lui en arrivait beaucoup, en ce moment, que son existence ressemblait à une poudrière frappée par la foudre, explorant les ténèbres dans toutes les directions. 

De toute façon, il ne comprenait pas qu’on puisse s’emmerder à ce point-là avec une fille alors qu’elles étaient des armées entières à parcourir le monde, avec ou sans pilule, et toutes plus belles les unes que les autres, toutes pleines de fureur, de bruit et d’aventures, et pas du genre casse-pieds, pas du genre à vous faire perdre votre temps. 

Tu sais, je m’imaginais que je ne parvenais pas à me fixer parce que je pensais toujours à lui... Il y a certaines choses dans la vie que l’on doit vérifier coûte que coûte... 

L’attente peut nourrir un rêve au point de le rendre monstrueux... Placer les choses si haut qu’on ne peut plus les atteindre... 

J’espérais sombrer dans le chagrin pour n’avoir plus qu’une seule chose en tête, pour que ma vie ne dépende plus que d’une seule personne, en fait de la seule créature qui soit vivante au monde, celle qui n’était pas un rêve et que je pouvais toucher. 

Cela signifiait que le monde m’avait effleuré jusque-là et qu’il m’éclairait tout d’un coup. 

Je commençais à réaliser ce que j’avais fait et à en mesurer les conséquences dont l’ombre grandissait de façon vertigineuse. 

Et ces derniers instants de paix me semblaient si précieux. Et aurais-je pu songer une seconde à m’étendre sur un lit alors que toutes les fibres de mon corps étaient tendues, que les poils de mes bras grésillaient d’électricité, que mon esprit crépitait d’étincelles...? 

Elle m’apportait tout ce qu’il me fallait en attendant que l’heure de mon châtiment ne sonne, elle était un peu ma mère, un peu mon amie, et les derniers et fugitifs reflets de la beauté du monde. 

Séduire une femme était une chose. Chasser les démons en était une autre. 

Il flottait dans l’air quelque chose que je n’arrivais pas à appréhender, un climat de violence contenue qui me dépassait, qui m’enveloppait de son ombre.
 

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