EXTRAITS ZONE EROGENE

Elle s'est redressée, elle a fait glisser ses fameuses jambes, j'ai pensé de deux choses l'une, ou elle connaît pas sa force ou elle a découvert mon point faible. 

Toute cette énergie, ça me sciait en deux, toutes ces filles me rendaient malade, je me demandais ce qu'elle avait encore inventé, si j'allais pouvoir dormir un peu. 

L'enfer, c'était des kilomètres plus loin, les trucs neufs, les plages ratissées, le rassemblement des fous furieux. 

Le soleil a grimpé dans le ciel, tout au bout de la rue, à travers les câbles électriques tendus d'un trottoir à l'autre. 

Il y avait juste un petit rayon de soleil qui passait mais je le prenais en pleine figure, c'était plus possible de bouger, j'ai seulement réussi à croiser un bras sur mon front, à me caler contre le mur. 

Parfois, on a la sensation d'avoir glissé au fond d'un piège et rien ne se passe, je voulais même pas ouvrir un œil. 

C'est quelque chose de très mystérieux pour moi que les rapports que j'ai avec cette fille, ça me dépasse un peu, peut-être qu'on s'est connus dans une vie antérieure e que nos rôles sont écrits d'avance, c'est peut-être pour ça qu'avec elle j'ai toujours l'impression de ne jamais faire ce qu'il faudrait. 

Dès qu'on a le dos tourné, la liberté peut devenir une source d'ennui et par moments y'avait rien qui me disait vraiment. 

Cette fille, quand elle sourit, vous avez l'impression que ses yeux changent de couleur et j'aime ce genre de gadget malgré que ça fasse de moi une proie facile, disons que je porte ma croix. 

Le pied, quand on écrit, c'est qu'on peut toujours revenir en arrière, c'est moins dangereux que la scène ou travailler devant une machine à emboutir, huit heures par jour avec l'envie de bailler. 

C'était quelque chose de très étrange mais j'ai rien dit, j'ai fait comme si j'avais rien remarqué, il y a deux ou trois pièges que je sais éviter maintenant. 

Elle me regardait avec une étincelle étrange dans les yeux, peut-être que cette lumière venait avec l'âge, quand on commence à en avoir vu pas mal, que l'œil s'est endurci et qu'il y a toute cette vie derrière, tout ce paquet d'années comme un mur où on peut s'appuyer. 

C'est dommage que ça coûte si cher de sauter sur un flic mais quand on réfléchit bien tout coûte cher dans la vie, en fait c'est difficile de pas avoir la rage au cœur, c'est difficile de pas se sentir étouffer par moments. 

J'écoutais de la musique en fumant des cigarettes, le corps tassé en mille morceaux et douloureux, j'ai aucune notion du temps la nuit, j'aime réfléchir lentement, je crois que l'extase m'arrivera dans un moment comme ça, enfin j'imagine, je tomberai à genoux dans la fumée des cigarettes et je sourirai jusqu'à ce que le jour se lève avec le cerveau en bouillie, mais je me demande si je fais tout ce qu'il faut pour en arriver là, je me demande si la Grâce va m'accorder les circonstances atténuantes. 

C'est dur de me dire que j'aurai peut-être quarante ans quand on me lira dans les écoles et qu'un jeune gars écrira une thèse sur moi et ma haine du point virgule. 

En réalité, je riais pas d'une chose très drôle, je riais de moi, de la manière dont toutes ces filles me possédaient et d'une manière plus générale des innombrables pouvoirs de la femme sur l'homme. 

Ces filles entretenaient un monde magique et tout ça pouvait être d'une rare finesse, c'était seulement par la suite que les choses se gâtaient, une fois qu'elles avaient appris à nous connaître. 

La vie est pleine d'images effrayantes, c'est pas toujours facile, le soir, d'entrer dans une chambre et de s'asseoir au bord du lit pour défaire tranquillement ses lacets et ensuite se glisser dans les draps et regarder le plafond d'un cœur léger. 

Mais comment lui faire avaler que c'était sa présence qui comptait par-dessus tout, comment lui faire comprendre que j'étais pas dans mon état normal, comment venir à bout de toutes ces merdes qui nous compliquent l'existence, comment je pouvais faire pour écrire et vivre avec une femme en même temps ? 

Ce qu'elle voulait, c'était que je lui donne le meilleur de moi-même et c'est ce que j'essayais de faire mais j'étais obligé de lui donner aussi le pire avec, il arrive toujours un moment où on peut pas faire autrement. 

Mais elle avait aussi quelque chose de plus que ça, elle avait conscience d'avoir un esprit, c'est pour ça que je l'avais pas oubliée. 

Je suis trop jeune pour mourir d'ennui. Et j'ai un boulot qui m'oblige à m'entourer d'un minimum de folie. 

J'ai griffonné un petit poème rageur sur les inconvénients qu'il y a de vivre avec une femme mais j'ai pas réussi à épuiser le problème. 

Qu'est-ce que peut faire un type seul, sans argent, sans inspiration, sans aucune envie alors que la nuit commence, qu'est-ce que j'ai bien pu faire pour mériter ça ? 

Parfois il faut vraiment s'accrocher pour croire en quelque chose, il faut faire un effort terrible. Il y a des matins où la vie est une herbe folle torturée par le vent. 

En tant qu'écrivain, je suis heureux de vivre une époque où la plupart des gens sont cinglés, torturés par la solitude et obsédés par leur forme physique. Ca me permet de travailler tranquillement mon style. 

Si j'étais un type cynique, je dirais qu'elle retournait apporter sa contribution à la folie générale. Parfois j'oublie le coté marrant des choses. 

Je vais sûrement me foutre en l'air parce que t'es irremplaçable, on trouve pas facilement des filles comme toi, des filles qui savent abattre leur jeu au bon moment… 

J'avais l'impression d'être une espèce de menhir planté dans le sable, une pierre vivante et solitaire qui essaie de pas perdre espoir malgré tout.  

J'avais envie de voir des gens bouger autour de moi et avec un peu de chance je pourrais me détendre un peu en échangeant quelques mots sans importance avec une personne, c'est vrai que par moments c'est les autres qui vous empêchent de glisser jusqu'au fond. 

Ca fait du bien de temps en temps de voir qu'on est pas tout seul sur le chemin, ça élargit la route pendant un petit moment, c'est quand même mieux que rien. 

La passion c'est ce qui fait briller les choses. 

J’avais pas trouvé de petit mot, ni quoi que ce soit d’écrit au rouge à lèvres sur les murs, j’avais pas trouvé le plus petit morceau d’elle, même en cherchant bien. 

C’était pas très facile d’écrire un roman et de m’occuper de ma vie en même temps, j’avais du mal à mener tout ça sur un même front et depuis quelques temps, c’était mon roman qui s’en sortait le mieux des deux, il suçait toute mon énergie. 

Il se dégageait de tout ça une sensation de douce lassitude et j’aimais pas ça, j’aurais préféré quelque chose de plus brutal, quelque chose que j’aurais pu arracher avec mes mains mais ce truc était presque imperceptible, une vraie chierie et fallait attendre que ça se passe. 

J’ai passé la fin de la soirée comme un type qui a de l’eau dans l’oreille et qui s’écoute déglutir, j’étais vaguement absent et je pouvais prendre n’importe quelle conversation en marche, ça me gênait pas. 

Je me suis demandé en passant si j’avais payé pour quelque chose ou si c’était plutôt une avance, je pense toujours à ça quand il m’arrive une merde incompréhensible et je sais toujours pas si c’est possible des avances sur la douleur. 

Ce soir-là, je me suis écroulé sous mon lit les bras en croix, ce soir-là et les autres. 

Mais qu’est-ce qu’il peut y avoir de plus mortel qu’un dimanche après-midi quand vous êtes pris dans sa toile ? 

Ca m’a vraiment fait plaisir, j’ai eu l’impression que le ciel me récompensait. Quand ce genre de choses m’arrive, je me demande toujours ce que j’ai pu faire pour mériter ça. 

On a encore bu, fumé, parlé pendant un bon moment, mais on a pris tout notre temps et nos silences avaient la même couleur que le reste, ils avaient un parfum sauvage. 

On était complètement déglingués tous les deux, l’alcool, la fatigue, la solitude, le temps n’avançait plus et le courant nous avait abandonné un moment sur la rive. 

Je respirais doucement car j’avais l’impression que l’air me saoulait et ce petit bout de chemin ressemblait à un rêve, j’aurais pas été étonné que tout ce bazar explose et qu’un décor géant bascule dans la poussière avec un craquement infernal.

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