ENTRE NOUS SOIT DIT

 
Philippe Djian - Jean-Louis Ezine
(Entre nous soit dit - Plon) 

Vous voyez bien que le premier verdict de la maison Gallimard n'était pas si sévère : vous vous situez "délibérément en dehors de la littérature". 

Je ne l'ai jamais jugé sévère, mais seulement inintelligible. Je ne sais pas de quoi on parle. De la même manière, on me reproche souvent de ne pas être quelqu'un d'autre. (…) Je ne crois pas qu'imiter les écrivains que l'on peut tenir en haute estime soit la meilleure façon de leur prouver l'admiration qu'on leur porte. Je pense qu'il faut se détacher d'eux, au contraire et leur montrer que, par gratitude, nous allons essayer d'accomplir d'aussi généreux efforts que ceux qu'ils ont accompli en leur temps.

Quand le canard boiteux est fier de sa boiterie, qu'il l'étale, la revendique avec orgueil, est-ce qu'il ne perd pas le droit de s'en plaindre ?
Pour ce qui est de mon image, j'ai surtout laissé faire. Vous savez, Bernard Barrault a publié mes trois premiers livres sans jamais me rencontrer. Lorsqu'on a commencé à s'intéresser à moi, on avait déjà tout dit, mon portrait était tiré avant même que je n'aie ouvert la bouche. J'étais l'écrivain de la génération rock, je portais un anneau à l'oreille et je buvais de la bière. Je vivais à 1000 kilomètres de Paris, à ce moment-là, tout cela ne me concernait pas. On faisait de moi une telle caricature que je n'ai pas éprouvé le besoin de m'en mêler. Je crois que le fond du problème est qu'on attendait de moi des réactions que je ne pouvais pas ou ne voulais pas avoir. Comme vous attendez de moi certaines réponses, il me semble. J'ai parfois l'impression que vous ne vous adressez pas à moi, mais à mon portrait-robot.
 

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