PHILIPPE DJIAN, LE LIVRE

Bleu comme l'enfer est à ce jour l'unique roman ou l'auteur ait choisi de se placer résolument au-dessus de ces créatures, s'interdisant le "je" narratif de ses textes suivants.

Zone Erogène et 37.2 le matin présentent un cousinage évident. Tous deux narrés, semble-t-il, par le même type de personnage, sorte de désespéré actif, ces deux textes ont recours aux mêmes respirations, à un univers rhétorique identique. On est frappés par l'imprécision volontaire dont Djian recouvre le contexte de ces deux romans. Où sommes-nous ? Dans quelle région ? Dans quel continent ? Autour de quelle ville gravitent tous ces personnages ?

Il y a chez Djian des périodes de calme, de sérénité, de communion avec le coté positif de l'univers et, à l'inverse, des rapides qui roulent vers les abîmes. L'auteur en fait lui-même l'aveu :

Je me suis habitué à ce genre de rupture, je dérape d'un niveau de conscience avec la même facilité d'une feuille descendant un cours d'eau et qui reprend gentiment sa route après une chute de 20 mètres (37.2 le matin).

Je commençais à avoir l'habitude de ces visions détraquées, de ces éclairs de lucidité qui vous font voir la vie comme un horrible piège, qui vous transforment une rue en monstre grimaçant (Maudit Manège).

Pour se persuader de la véracité de ces variations d'humeur, il suffit d'observer la typographie des livres de Djian. Un usage violent est fait de la majuscule, un rapport convulsif à la ponctuation, à l'italique, à la graphie phonétique est entretenu. Tout cela semble procurer au texte comme une impulsion propre, un pouls interne, évoquant assez le rythme passionné d'un électroencéphalogramme d'écrivain.

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