LE MAGAZINE LIRE - Avril 2000 par Laurence Liban A travers 375 pages, Philippe Djian aborde quelques-unes de ses obsessions: la mainmise des multinationales sur les secteurs juteux, l'obsession du fric, le danger écologique. Dans ce pessimisme généralisé plane une grâce paradoxale, dévoyée et tragique, une enfance vieillie qui court après ses rêves: rêve de Madonna qu'on mettrait bien dans son lit, rêve de célébrité... Djian prête à son (anti) héros, trafiquant de drogues et revendeurs de tee-shirts de la Bundeswehr, une ingénuité épatante dans la relation de ses affaires, y compris copulatoires. Car on finirait par l'oublier, Vers chez les blancs est aussi un bouquin porno qui travaille le sexe au corps tout en laissant l'effroi de côté: il s'agit de nommer ce que deux adultes consentants peuvent se faire à l'abri des regards, de parler plus fort que les images. L'auteur y parvient grâce à l'emploi d'un style détaché et plein d'humour qui s'accommode d'une langue parfois précieuse, truffée de subjonctifs dont l'effet fait merveille. Lancé à fond
dans son entreprise pornographique, Djian crache tous les morceaux. Comme
il le dit lui-même, ce n'est pas avec de la bile qu'on fait de la
littérature, mais avec de la colère. La sienne n'est pas
dénuée de tendresse. Cela compense une propension à
trop en faire. Car le stupre à outrance tourne vite à la
guimauve et le sexe lasse hélas! Par ailleurs, les fans de Djian
liront avec profit le récit exceptionnel des rencontres entre l'écrivain
et Catherine Flohic (éditions Flohic): une remontée aux
sources doublée d'un portrait de l'écrivain au travail.
Eclairant.
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