Par
Alexie Lorca
Février 1997
Criminels
Philippe Djian
256 p., Gallimard, 100 F
«Marc est mon frère et j'ai du mal à l'imaginer en
train de se faire enculer.» Ainsi commence Criminels, second volet
de la très meurtrière trilogie de Philippe Djian, initiée
avec Assassins! Pour Francis, le narrateur, l'approche de la cinquantaine
n'est pas l'heure tragique des bilans, mais simplement celle des constats.
A part de petites engueulades à propos d'un vélo, il ne
communique quasiment plus avec son fils Patrick. Elisabeth, sa compagne,
lui échappe chaque jour davantage. Tandis que son propre père,
atteint d'une maladie cérébrale atrophiante et gardien d'un
secret certainement monstrueux, devient de plus en plus pesant. Quant
aux amis, ils ont déjà bien du mal à résoudre
leurs histoires de coeur et de cul, alors...
Bref,
tous des criminels. Car si seuls deux d'entre eux sont de véritables
assassins, les autres le sont aussi... de leur propre vie. Chacun parle
pour parler, étrangement conscient que personne ne l'entend. Il
faudrait avoir le courage de se taire et de vivre enfin. Mais en est-il
encore temps? Ecrivain de plus en plus musical (il écrit des chansons
pour Stéphane Eicher), Djian impose une tessiture de départ
et s'y tient. Ainsi les gestes les plus anecdotiques et les actes les
plus sordides sont-ils traités sur une même gamme. Aucun
événement n'est surjoué. Seul le rythme des mots
permet à la tension de croître et de décroître.
Tour à tour désabusés, amers puis un rien cyniques,
les protagonistes finissent par atteindre une certaine sérénité.
Peut-être même parviendront-ils un jour à déjeuner
en paix...
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