Rencontre avec Philippe Djian
(Février 1999)
Je tiens a m'excuser auprès des lecteurs, l'interview
avec Philippe Djian, auteur de 37°2 et autres succès ne sera pas un
Face à Face habituel. Je précise 37.2 afin que vous me lisiez
plus attentivement.
Avant
de vous relater cette rencontre, imaginez l'ambiance du jour en question,
en l'occurrence journée a catastrophes, qui m'ont conduite a arriver
en retard au rendez vous. - "Il y a des jours comme ca", m'a expliqué
Djian, magnanime. J'ai pris rapidement conscience du talent incontournable
de l'écrivain, si par hasard je n'en avais pas été persuadée
Je ne crois pas m'être laissée influencer par son charisme naturel.
Lui, en toute innocence, parle de style. Je m'entête a appeler cela du talent,
du genre qui vous saute aux yeux comme une évidence oubliée.
Evidemment je n'ai pas perdu de temps a prendre des
notes. J'ai préfère écouter sa dialectique sur l'écriture,
le mécanisme de la création littéraire a la Djian. Il
est patient. Il nous fait croire, a nous communs des mortels ou écrivaillons
de toutes sortes qu'il existe une méthode ou des trucs pour écrire.
Comme, je cite: de la chance, pas mal de foi, une assez bonne vue (a prendre
au second degré) beaucoup d'humilité avec quand même un solide
ego. Du coup, cela parait dangereusement facile. Mais franchement, qui peut,
a part lui, commencer par une phrase sans plan établi et que cela se
termine par un roman qui vous prend a la gorge. Par ailleurs il nous l'explique
avec précision: -Je n'établis aucun plan et pratique une sorte
d'élargissement de surface concentrique a partir de la première
phrase. Dans la foulée, j'ai commis l'insouciance de penser connaître
Djian, parce que j'avais lu certains de ces livres et qu'ils m'avaient touche
l'âme..
Bref, Je l'imaginais un peu comme un ami lointain. Cette
impression, c'etait avant la rencontre. En fait, il n'est pas cet ami. Car
il est indépendant de ses personnages fictifs, ce qui ne l'empêche
pas d'ailleurs de leur prêter attention, si nécessite oblige. Il déclare
a ce sujet : "Il faut donc bien écouter ce que très vite, le
roman essaie de vous dire" ou bien encore "J'ai toujours pense que ce livre
existait avant même que je ne commence a l'écrire".
Chez Djian, c'est le roman qui se fait, "vampiriser"
par l'auteur et non l'inverse, comme c'est pourtant souvent le cas. Le style
Djian peut paraître simple mais cette apparente simplicité est le magnifique
écueil contre lequel viennent obstinément s'échouer tant
d'inoffensifs imitateurs. Le style Djian peut même paraître intimiste avec
cette délicate impression qu'il donne au chanceux lecteur d'être tenu
dans le secret. Chimère...
Djian ne se veut ni, "philosophe, ni historien, ni psychanalyste,
ni théoricien". C'est un artiste libre, c'est a dire inclassable. Il
aurait du bien s'entendre avec Boris Vian. Pour lui," la création n'est
pas le fruit d'un effort de volonté mais plutôt celui d'une certaine
souplesse".
Il y a donc quelque chose de résolument félin
chez cet auteur, on sent qu'il retombera toujours avec légèreté
sur ses pieds quoique qu'il écrive. Il n'est pas non plus trop inquiété
par les idées, il exprime: "n'avoir jamais commence un roman avec une
idée derrière la tête".
De toute façon, il aime une jolie phrase de John Irving
qu'il me cite: "les bonnes idées ne sont jamais assez redites".
Sa dernière œuvre s'intitule "Sainte-Bob" et
termine une trilogie non linéaire, c'est a dire qu'on peut lire le
troisième livre même si on n'a pas lu le premier.
Inutile de vous préciser que Sainte-Bob anime
les conversations ,on peut le trouver a l'Alliance Française, profitez-en.
Helene Kehm
Assassins
Criminels
Sainte-Bob
Gallimard, 282p
Cet
article sera publié dans le Courrier Australien du 12 mars 1999
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