WEBDO, L'INTERVIEW

Juillet 1998

PHILIPPE DJIAN
L'écrivain a bouclé sa trilogie. Après "Assassins" et "Criminels",
le Lausannois d'adoption publie "Sainte-Bob" aux Editions Gallimard. Boudant le repos,
il planche sur deux scénarios pour le cinéma et les nouvelles chansons de Stéphane Eicher.



Entre écrire et lire, que préférez-vous?

Lire, c'est plus simple ! Mais ce n'est pas comparable. Il y a la même différence qu'entre la position de l'acteur et celle du spectateur.

Etes-vous content de ce que vous écrivez ou cherchez-vous plutôt à plaire au lecteur pour faire une bonne vente?

J'écris les livres que j'aimerais lire. Si j'avais le malheur d'écrire un jour un livre abouti, j'aurais des problèmes pour les suivants. Je me remets continuellement à la tâche et essaie de faire mieux. Ce qui me plaît, c'est le désir du livre. Et j'ai bien sûr envie de faire de bonnes ventes, ça facilite la vie. Grâce à la reconnaissance, on agrandit le cercle des 3000 fidèles pour lesquels on a plus rien à prouver. Mais il n'y a pas de recette pour avoir du succès. Ou peut-être que, en écrivant des polars ou des livres d'angoisse, on a plus de chances de cartonner.

Lisez-vous des romans érotiques et qu'est-ce que vous y trouvez?

Non. En revanche, je lis Sade ou Georges Bataille car on y aborde un genre qui n'est pas tellement exploré.

Avez-vous déjà pleuré en écrivant?

Non, mais j'ai déjà ri aux éclats.

Vous est-il arrivé de vous fâcher avec un éditeur?

J'en ai eu deux et je me suis fâché avec le premier, Bernard Barrault, quand il a vendu sa société à Flammarion sans me prévenir. Je ne voulais pas être édité dans cette maison, alors je suis parti chez Gallimard.

Etes-vous un dévoreur de livres en tout genre?

Pas du tout. Je lis essentiellement des romans et jamais de série noire, de science-fiction ou de livres d'histoire.

Lorsque vous écrivez le texte d'une chanson, vous mettez-vous à la place de l'interprète?

J'essaie de l'écrire pour le chanteur tout en tirant un peu la couverture à moi. Je ne me dis jamais: "Qu'est-ce qui convient à Eicher?" La preuve, il n'arrive pas à prononcer les "r" et il faut souvent que je change mes phrases.

Que pensez-vous de la valeur littéraire des chansons françaises de cette dernière décennie?

Il y a des trucs pas mal. Certains chanteurs comme Bashung, Noir Désir ou Miossec font des efforts et sont vraiment très bien. Il y a de la recherche et un niveau qui n'a jamais été atteint si on excepte les Brel ou Léo Ferré. Il y a un langage d'aujourd'hui. Mais je ne trouve pas, et je parle aussi pour ma pomme, que les textes des chansons ont une valeur littéraire.

Connaissez-vous le contenu du livre avant de le commencer?

Jamais. Si je le connaissais, ça ne m'intéresserait pas de l'écrire. Mais j'ai l'impression que l'histoire est inconsciemment en moi et que je dois la découvrir, dérouler la bobine.

Pour quelle raison les (anti)- héros de vos omans ont un caractère similaire? Sont-ils votre reflet?

C'est toujours la même personne qui parle qu'elle soit homme ou femme. Mes personnages doivent me toucher, car ils vivent pendant un an avec moi. Je suis peut-être orgueilleux, mais je ne pourrais pas vivre avec un salaud ou un imbécile. Quand je m'attaque à un roman, ce n'est pas de gaieté de coeur car ça me complique la vie. Si je ne suis pas bien, je pourrais vite devenir dépressif. J'écris à la première personne et mon humeur déteint sur mes personnages.

Réponses recueillies par Sophie Winteler

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